HISTOIRE

L’homme est fait pour jouer ;c’est d’avoir croqué une pomme qui l’a mis au travail.
Les jeux d’exercice ont les mêmes fondamentaux que les autres, si bien décrits en conférence inaugurale de ce cycle par P.RÖDEL : y sont associés les notions de joie, de loisir, de récréation, mais aussi de règles, de codes, d’espace limité. Un cérémonial permet aux joueurs de se donner en spectacle, de forcer le hasard et de vaincre un adversaire.
En Europe, pendant 5 siècles, trois jeux d’exercice étaient obligatoires dans la formation des princes des nobles des bourgeois et des étudiants : l’équitation, l’escrime et la paume.
Les jeux de balle sont universels. De tout temps avec une « sphérique » plus ou moins grosse, plus ou moins lourde, en général face à face dans un champ clos les hommes se distraient en se défiant. On en a des témoignages en Perse, en Egypte, en Grèce, à Rome. Le 1° jeu de balle « fermé » fut construit à Constantinople par Théodose 2 en 430. Copié et reproduit en plusieurs exemplaires en Grèce il est amené en France par les croisés et semble se fixer dans les monastères. Au 12° siècle les cloitres capitulaires ne servent pas qu’au recueillement, le jeu de paume devient le jeu des chanoines et des évêques.
L’ESSOR
En 1245, l’archevêque de Rouen interdit à ses prêtres de jouer en public… surtout avec des laïcs ! Le jeu a en effet gagné les lieutenants du roi tant que Philippe Le Bel leur interdit car il les détourne du métier des armes. Cet édit resta lettre morte et le jeu devient celui des rois et des nobles.
LOUIS X Le Hutin en mourut en 1316.
« Il joue avec la dernière violence en hutin qu’il était
Fut se reposer dans une cave et but un hanap d’eau
But si trop et si froid se bouta
Perdit plumes et pennes
Autrement dit il trépassa »
CHARLES V, le Sage, lance les paris sur le jeu et en 1370 joue ses vêtements plutôt que de renoncer à sa partie. CHARLES VI perdait des sommes considérables. CHARLES VII fut piètre joueur. Sous son règne il faut souligner les performances de la Jeanne d’Arc du jeu, Dame Margot, qui à 30 ans défiait et battait tous les joueurs.
LOUIS XI : on ne sait rien de Louis XI joueur de paume , alors que Charles Le Téméraire était
bon joueur. Le jeu se pratique en Espagne comme nous l’apprend l’histoire de Salamanque : en 1465 au cours d’un double entre les frères Enriquez du bando de San Tomé et les frères Manzano du bando de San Benito un point est contesté. La dispute se poursuit par les armes, les Manzano tuent leurs adversaires. La mère des victimes, Dona Maria de Manroy, poursuit leurs assassins jusqu’au Portugal, les fait décapiter et ramène leurs têtes sur les tombes de ses fils .
CHARLES VIII était si pressé de jouer sur son court de Amboise qu’il courut, se fracassa la
tête sur la porte d’entrée et en mourut en 1498.
LOUIS XII est le 1° roi à jouer avec ses bourgeois, le nombre de joueurs grossit.
L’AGE D’OR
FRANCOIS 1° fit construire des jeux dans toutes les villes du royaume et dans toutes ses résidences, même temporaires. Lors du camp du Drap d’Or, il fit installer un jeu et mis la pâté à Henri VIII, pourtant réputé bon joueur. François 1° se plaisait aux bricoles du tambour et aux ruses du filet. Un jour, un clerc tonsuré conclut contre lui d’une balle perfide « voilà un beau coup de moine » dit le roi « Sire, il ne tient qu’à votre majesté d’en faire un coup d’abbé » répliqua le malin qui convoitait une abbaye.
HENRI II excellait à la paume et autorise des implantations de jeux partout dans Paris. Parfois on trouve dans ces autorisations des clauses qui font sourire aujourd’hui, comme l’interdiction de blasphémer, de jouer pendant les offices des jours chômés ou au contraire l’obligation de verser des rentes pour célébrer des messes à l’intention des vendeurs. Ce fut le cas lorsque Edme Bourillon, paumier, fils et petit fils de paumier, acheta en 1532 le jeu de la rue Garnelle qu’il appela « La Raquette d’Or ».
CHARLES IX autorise lui aussi de nombreuses constructions de jeux (dont celui qui sera loué un siècle plus tard à Lulli ).
HENRI IV jouait enfant à Pau, à Lectoure, à Nérac. Le lendemain de son entrée dans Paris il joua à la paume tout l’après midi, en ville et pas au Louvre, à La Sphère, le jeu alors le plus fameux. Il retourna toute la confrérie des paumiers qui pour la plupart avaient été guisards. Il fit construire un 2° jeu au Louvre et aussi à Fontainebleau. Le jeu de paume est devenu un sport national et a ses règles écrites publiées en 1592. En 1596 on compte 250 jeux à Paris qui font vivre 7000 personnes. Sir Dallington écrit en 1604 :
« la France est semée de tennis, ils sont plus nombreux que les églises »
Ces tennis sont les lieux de tous les jeux d’argent. On y parie sur les parties, sur chaque coup, on y joue aux cartes et aux dès. Faire bondir la balle se disait « triper » et c’est ainsi qu’est né le mot tripot, à sens sportif exclusif jusqu’au 18° et autre depuis.
LOUIS XIII était il bon joueur ? Le cardinal par contre avait son paumier attitré et en 1633 fit
construire un jeu dans son château de Rueil en Parisis. Le jeu se répand dans presque tous les pays d’Europe procurant aux élites de différentes nation le même plaisir de la compétition dans des salles semblables avec les mêmes règles. Les balles et les raquettes sont fabriquées en France, la langue française est d’usage. Si on compte les jeux par dizaines, voir 100 en Angleterre, il y en a alors 1500 en France. Les salles sont libres le soir, elles accueillent comédiens et musiciens : la tournée de Molière et l’Illustre Théâtre en France des années 1650 est une véritable tournée des jeux de Paume.
LOUIS XIV préférait le billard et chaque jeu fit construire une salle de billard attenante. Toutefois son maitre paumier recevait une telle rente qu’il put construire en 1686 sur ses propres deniers le jeu de Versailles qui devint célèbre un siècle plus tard.
DECLIN ET SURVIVANCE
Au 18° la mode de la cour est de jouer au volant. Premier roi de France depuis Philippe Le Bel à ne pas jouer à la paume, LOUIS XVI laisse à son frère le Comte d’Artois le soin de perpétrer la tradition. Ce dernier se fit construire un jeu boulevard du Temple en 1786.
En 1789, hormis ceux des châteaux, il ne reste plus que 54 jeux en France, 29 maîtres paumiers et 128 joueurs classés ! Au pays Basque les jeux deviennent des trinquets, ailleurs des entrepôts ou des théâtres ou sont détruits. Napoléon jouait mais fort mal. Il restaure néanmoins les jeux de Fontainebleau et de Compiègne. Napoléon III fait construire les deux jeux des Tuileries car il n’y a plus d’autres jeux à Paris. Les joueurs et les paumiers se mettent à traverser la Manche car dans le même temps, le jeu se développe en Angleterre et de là en Australie (Hobarth 1875), au Canada, aux Etats Unis (Boston 1876). Au 20° siècle, il ne reste plus que 2 jeux en service en France : Paris rue Lauriston (construit en 1909) et Bordeaux.
LE JEU DE PAUME A BORDEAUX
Le jeu le plus ancien que nous connaissons est celui de Talbot, rue des Ayres, car on sait qu’en 1460 l’évêque de Bordeaux fut autorisé à s’en servir pour entreposer son vin.
Grâce à A.de Luze on connait les implantations et les histoires respectives des 17 jeux en fonctionnement au 17° et des 2 jeux construits au 18°. Le jeu du sieur Barbarin retient l’attention : Molière et son Illustre Théâtre le loue plusieurs mois. Ce même jeu servit d’arènes à une course de taureaux (2 morts) en 1673.
Le jeu de la rue Rolland fut édifié en 1788 par Mr Péres-Duvivier pour distraire le Comte d’Artois qui devait venir vivre quelques mois à Bordeaux. En 1827 le jeu devient atelier de tapis, puis cercle de musique puis salle des ventes jusqu’à ce qu’en 1879 Mr Duroy de Suduiraut le rachète et le rende à sa destination finale. En 1896 un groupe de joueurs s’en rendent propriétaires et organisent la société sportive. Il fonctionnera jusqu’en 1978, année où sous l’impulsion de Cl.Quancard il sera vendu au cinéma Gaumont et se transportera à Mérignac avec l’adjonction de 4 courts de squash.
AUJOURD’HUI
France : 4 clubs : Bordeaux, Paris, Fontainebleau, Pau. 300 joueurs
Angleterre : 27 clubs. 5000 joueurs de « real tennis »
Australie : 4 clubs. 1800 joueurs de « royal tennis »
Etats Unis : 10 clubs. 3000 joueurs de « court tennis »
Soit environ 10000 joueurs dans le monde dont une cinquantaine de professionnels.
La salle : tous les courts sont différents, entre 28 et 32 m de long ; entre 8 et 12m de large. Au 16° on suspend des filaments à la corde pour éviter les discussions et fin 17° on remplace la corde par un filet (hauteur 0,92 cm au centre et 1,5m à l’attache).
La raquette : raquette vient de l’italien « raccheta » issu du persan « rahat » qui veut dire Paume. La raquette est en bois, pèse 370g, est fabriquée en Angleterre.
La balle : faite à la main par les professionnels dans chaque club elle pèse 60g.
LES PROFESSIONNELS
Les maîtres paumiers avaient par lettre patente le monopole de la tenue des jeux et de la fabrication des balles. Dans cette corporation, la tradition d’exercer le même métier de père en fils et de se marier entre gens de l’esteuf était vivace. Souvent nés et élevés dans les jeux, on les appelait les enfants de la balle, locution reprise ensuite pour les enfants des comédiens qui investirent les jeux. La célébrité des paumiers français passait les frontières depuis le 15° siècle et certaines familles célèbres fournissaient toutes les capitales en paumiers.
Aujourd’hui les professionnels, vivent de leur pratique, de la fabrication des balles, de la tenue des jeux et des tournois qu’ils remportent.
Pour être champion du monde il faut, après avoir éliminé les autres prétendants, défier le champion en titre. Ce dernier a le privilège de choisir le lieu du tournoi. La compétition se joue au meilleur des 13 sets et se déroule sur 3 jours.
Le premier champion, le français CLERGE, conserva le titre de 1740 à 1765.
Depuis 1740 à ce jour il y a eut 22 champions du monde. Nous avons les compte rendus des matches seulement depuis 1816 lorsque le franco-italien MARCHIRIO a battu l’anglais PH.COX à James Street et empoché les 100 guinées du vainqueur. Depuis cette date seulement 2 français sont sur la liste mais ils y restèrent longtemps :
Edmond BARRE champion de 1829 à 1862, donc pendant 33 ans !
Pierre ETCHEBASTER champion de 1928 à 1955 s’est retiré invaincu après 27 ans.
Le champion actuel depuis 1994 est l’australien Robert FAHEY. Il fut professionnel dans ce club, comme ses prédécesseurs. Il défendra à nouveau son titre en Septembre 2022 à Prested Hall en Angleterre contre l’américain Camden RIVIERE, 1° joueur mondial.
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